Mon rapport a la peinture a toujours été complexe. La peinture a longtemps été associé à la corvée des vacances passées avec mon père qui se résumaient à courir l’Europe des musées.
Des pays que nous traversions nous ne voyions que des hôtels et des salles de musées de peinture où mon frère, ma sœur et moi-même traînions nos baskets d’adolescents désabusés (oh! je sens que certains d’entre vous se sont aussi reconnus…).
Jamais je ne me souviens que nous ayons été arrêtés par la splendeur d’un tableau, et si parfois nous faisions mine de nous intéresser, c’était pour ne pas trop décevoir notre père qui se faisait une joie de partager ces moments là avec nous.
Le choc vint un peu plus tard à 20 ans quand au Museum of Fines Art à Boston, enfin seule, je tombais nez à nez avec les tableaux de Monet. Je restais fascinée tant par le niveau technique de l’artiste que par l’effet esthétique que ses tableaux produisait. J’aurais voulu rester là toujours ou pouvoir les emmener chez moi tant leur pouvoir d’attraction était fort. Mais je dus me contenter d’une reproduction achetée à la boutique du musée qui, à ma grande déception, se révéla incapable de susciter la même émotion.
De retour en France, je me prenais de passion pour Van Gogh au point de m’ offrir l’abondante correspondance qu’il entretenait avec son frère Théo et de filer à Amsterdam juste pour pouvoir admirer ses œuvres (oui je sais, je ne fais jamais les choses à moitié …)
Pourtant je n’y connais toujours rien en peinture . Ma seule référence reste (comme pour la plupart des néophytes) l’émotion ressentie et le plaisir des yeux et non la signature en bas du tableau. Comme je sais qu’une reproduction reste plate et sans âme, là où une peinture est vivante et vibrante, je me déplace toujours pour voir les tableaux quand on me parle d’une exposition à découvrir.
L’autre jour en déjeunant à la Table du Marché , je suis tombée nez à nez avec les œuvres d’un artiste. J’ai immédiatement aimé l’énergie qui s’en dégageait et comme je suis de nature plutôt curieuse, j’ai eu envie d’en savoir plus .
De fil en aiguille, j’ai découvert qu’il exposait à la cave coopérative d’Ouveillan mais ce qui m’a définitivement convaincue d’aller plus loin c’est l’autoportrait du peintre qui m’a été montrée.
Pourquoi le déclic ? En référence (inconsciente) à Van Gogh et ses fameux autoportraits ? Je ne sais pas…Mais il a été le tableau “déclencheur” et puis l’histoire de ce peintre qui se définit avec humour comme un glycéropathe, m’a convaincu d’aller y voir de plus près.
Nous nous sommes donc rendues à l’atelier d’Yvan Ripolles, viticulteur, mais aussi peintre autodidacte depuis deux ans. Une vocation à la fois récente et tardive car à 54 ans, Yvan qui griffonne depuis l’enfance et peignait de temps en temps une toile, sent l’urgence qu’il y a à sortir tout ce qu’il porte en lui s’il ne veut pas avoir à le regretter plus tard.
On ne savait pas trop à quoi s’attendre en arrivant chez Yvan. Difficile d’imaginer comment cohabitent un vigneron et un artiste dans un même lieu et un même corps.
Mais sitôt devant chez lui, on sut qu’on était avant tout chez un artiste . Un peu comme lorsque on devait se rendre chez Frida Kahlo et Diego Rivera, c’est indubitablement l’univers de l’artiste qui saute en premier aux yeux et interpelle.
Chez Yvan Ripolles dit “le Glycéropathe”
Sa remise désormais aménagée en atelier
Après toutes ces années à mettre de côté son rêve de peinture, Yvan décide enfin de se jeter à l’eau. Désormais plus d’excuses, plus rien ne pourra l’empêcher de peindre.
Alors il se met d’abord à peindre pour lui seul, comme une libération.
Il se cherche et produit frénétiquement quantités de toiles au point de ne plus savoir où les mettre.
Il expérimente différentes techniques, peint sans pinceau (avec des spatules, des bouts de bois…) et sur tout ce qu’il trouve : aggloméré, placo, toile cirée…
Peu importe le support tant qu’on a l’ivresse de faire ce qu’on aime.
Peinture sur de l’aggloméré : une des premières œuvres d’Yvan Ripolles
Son tout premier lieu de création devenu aujourd’hui trop exigü
Un exemple de ces premières toiles …peinture sur papier sopalin collé sur une toile
Plus serein, il adopte le pinceau et la toile classique du peintre, il a enfin trouvé ses marques et son style.
Peu importe que les autres peintres lui reprochent de travailler avec de la peinture glycéro et son manque de culture artistique, et alors, même si cela l’attriste d’être maintenu à l’écart pour ne pas appartenir au sérail, il fait ce qu’il aime, point !
Et cela plait ! Il commence timidement à exposer tout en sachant qu’il lui reste du chemin à parcourir. Mais sa soif d’apprendre, de progresser, son humilité, son envie de partager et non de paraître, séduisent autant que sa peinture peut parfois surprendre.
Il aménage sa remise de vigneron en atelier, crée une mini galerie pour accrocher ses toiles qui ainsi côtoient les tracteurs et machines à vendanger. Les deux mondes d’Yvan fusionnent dans un même espace, font finalement bon ménage et dessinent déjà, sans même qu’il y ait besoin de mots, les contours de la personnalité authentique, chaleureuse et émouvante de ce peintre en devenir.
Sa mini galerie qui côtoie les machines à vendanger
Tableau créé à la fin d’une soirée dont le dress code était le bleu. Les invités ont “abandonné” leurs chaussures à l’artiste, peut-être pour passer à la postérité 😉
La magnifique toile “Les Chalets” réalisé pour un Gruissanais bien sûr !
Pour finir, je vous laisse jeter un petit coup d’œil à quelques uns de ces tableaux exposés lors de l’exposition de la Cave coopérative d’Ouveillan au mois d’août 2014.
Surprise ! Pour ceux qui se souviennent de notre article sur “Prince noir”, on est aussi tombé sur un coin dédié aux romans policiers de Daniel Hernandez,
On avait zappé que l’auteur est Ouveillanais, donc normal de le trouver lui aussi ici 😉
Voilà, j’espère qu’on a su vous donner envie de pousser la porte de ce “jeune” peintre !
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Yvan Ripolles
7 rue des Fenêtres
11590 – Sallèles d’Aude
3 Comments
une approche très originale, à découvrir !
Bravo, cet article est un hommage à la peinture et à la création en général. Merci de m’avoir fait découvrir cet artiste dont les oeuvres semblent à la fois si tourmentés et si fraîches.
La maison du glycéropathe a l’air terrible !!
Oui Agathe, une vraie maison d’artiste !!
Yvan ne m’a pas paru plus tourmenté que cela mais c’est vrai qu’il est plus heureux depuis qu’il peint. Créer est une merveilleuse thérapie 😉
Bisous